Emmanuel Gillard
Biérologue.
Comment se porte le marché de la bière en France ?
Il se porte bien si on regarde les dernières années, puisqu’il est en croissance. Il faut bien noter qu’il y a deux types d’acteurs sur ce marché : les gros brasseurs qui produisent plus de 200 000 hectolitres (hl) de bière par an, et les microbrasseurs, qui sont environ 1 900 en France et qui en moyenne, eux, produisent près de 800 hl par an. Ce second marché grossit indiscutablement. Ceux qui se lançaient dans la brasserie artisanale il y a 15 ou 20 ans pouvaient faire rire, mais aujourd’hui, ils pèsent entre 6 % et 8 % de parts de marché, ce qui commence à faire beaucoup pour les grands industriels qui s’intéressent de plus en plus sérieusement à ce segment, reprenant même les codes de ces brasseurs indépendants, qui produisent ce qu’on appelle dans ce milieu de la "craft beer".
C’est quoi, la recette de ce succès ?
Elle est multiple. Je dirais d’abord qu’il y a un engouement parce que les microbrasseries, c’est le retour au local. On achète un produit dont on sait d’où il vient, on a le fabriquant en face de nous, on le rencontre sur les marchés ou dans sa brasserie. Bien souvent, ils ont cette démarche de la production locale et de la vente locale, le circuit court, qui est très important pour le consommateur français aujourd’hui. Et puis, l’offre s’est beaucoup élargie, la bière est un produit qui s’est anobli ces dernières années, loin de l’image réductrice qu’on pouvait avoir de l’homme qui boit sa bière devant le foot avec ses copains. Désormais, c’est un produit qui se déguste, qui offre une infinité de mariages et de combinaisons gustatives possibles. La bière, à la base, c’est quatre ingrédients simples : malt, eau, houblon et levure. Mais à partir de là, on peut tout imaginer, et les brasseurs aujourd’hui font preuve de beaucoup de créativité, qui permet à la bière de s’inviter au moment du repas ou du fromage, et plus seulement à l’apéritif. C’est un milieu en ébullition ! Il y a quelques années, on ne pouvait pas imaginer se rendre chez des amis avec une ou plusieurs bouteilles de bonnes bières, alors que c’est devenu courant aujourd’hui.
C’est un produit qui est dans l’air du temps, en fait…
Complètement, la bière artisanale s’inscrit dans la "vague verte", et c’est la filière et les petits producteurs qui se l’imposent. Dans ce milieu, je dirais qu’il y a même des petits producteurs dits "conventionnels" qui font des bières au final plus écologiques que ceux qui ont le label bio. Ils ne veulent simplement pas avoir à la payer, mais ils ont une charte avec une quantité impressionnante de critères. Ça va jusqu’au composant de la colle de l’étiquette !
Combien pèse l’économie de la bière aujourd’hui en France ?
Si on ne parle que des producteurs de bières, ces derniers affichaient en 2018 un chiffre d’affaires à 3,9 milliards d’euros, mais la filière brassicole, c’est beaucoup plus que ça. Il faut savoir que pour un emploi direct, le secteur engendre 17 emplois indirects. Ça va du céréalier au malteur, en passant par le semencier, le brasseur, le distributeur, jusqu’au restaurateur. En cinq ans, par la multiplication des brasseries indépendantes sur le territoire, de nombreux distributeurs se sont lancés. Il y en avait trois gros il y a quelques années, contre une vingtaine aujourd’hui. La filière agroalimentaire brassicole emploie de son côté plus de 128 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros. Il faut savoir que la France est le premier exportateur de malt mondial depuis plus de 50 ans.
Et en Occitanie ?
Traditionnellement et culturellement, ce n’est pas une terre de brasseurs. C’est plutôt l’est et le nord de la France, Mais c’est un territoire où les brasseries se créent beaucoup en ce moment, et elle tire son épingle du jeu aujourd’hui.
July 18, 2020 at 10:07AM
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